Les chevaux sont des sujets pour les artistes depuis la nuit des temps. Leur beauté, leur grâce, cette qualité indéfinissable qui allie force et fragilité, féminin et masculin. L’artiste Johanne Doucet est particulièrement sensible à l’aura mythique de ces nobles animaux et pour cause : ils lui ont sauvé la vie.
Montréalaise née en 1951 au sein d’une famille de quatre enfants, Johanne Doucet a toujours été entourée d’animaux. Malgré son milieu urbain, elle s’adonne à l’équitation en bas âge. Sa famille comprend des artistes et des créatifs qui l’inspirent à suivre son intérêt pour le dessin. Son père, habile dessinateur, passera à la sculpture sur bois à la fin de sa vie. […] Tout comme son père, elle dessine exclusivement le monde animalier.
Lorsqu’elle intègre le marché du travail, elle donne de la formation aux adultes dans le secteur immobilier. En 1998, le décès de son père impose une période de réflexion. Lui qui n’a jamais fait ce qu’il aimait comme travail, elle ressent soudain l’urgence d’orienter sa vie dans le sens de ses aspirations. Elle quitte tout pour lancer sa propre entreprise et revenir aux arts. Faisant fi des conventions et en s’inspirant du livre de Betty Edwards « Dessiner grâce au cerveau droit », elle lance l’atelier Mine de rien, un lieu de création et d’initiation au dessin destiné aux adultes.
C’est lors de ce changement de vie et de ce déploiement artistique qu’elle développe un véritable coup de cœur pour le pastel sec. « C’est une technique très sensuel avec une signature particulière. Le contact direct avec le support fait que notre énergie se libère sur le tableau sans intermédiaire. La richesse du pigment et la combinaison de force et de retenue qu’il nécessite en font mon médium de choix. »
La liberté de créer
Avec plus de vingt ans d’expérience, Johanne Doucet ajoute d’autres médiums sur ses toiles ; c’est pour elle un jeu. Libre et spontanée, elle se rebiffe contre toute forme de structure formelle. Préférant laisser libre cours à son imaginaire, elle met de côté toute attente qui lui causerait un blocage et mise sur la visualisation. Jouant sur toile pour créer d’abord un fond abstrait, elle laisse son imagination percevoir une forme, une ombre ou quoi que ce soit pour lancer le tableau dans une direction. Son inspiration principale étant les chevaux, c’est souvent le noble animal qui fait irruption. Puis elle développe l’image finale instinctivement.
Johanne Doucet a fait ses classes en matière de dessin. Les ateliers de modèle vivant n’ont pas de secret pour elle. « Mon objectif serait de faire une toile avec le moins d’artifice possible : le moins de traits et de couleurs afin de laisser le sujet prendre sa pleine mesure. » Son évolution personnelle est la source d’une évolution artistique naturellement. […] La déconnexion physique qui survient lorsqu’elle crée est le privilège du moment.
L’osmose
En 2010, Johanne Doucet surmonte un grave cancer et réalise que ses chevaux l’aident à se réhabiliter. Elle monte, à même sa chambre d’hôpital, un projet de ressourcement personnel en lien avec les chevaux. Avec passion et détermination, elle fonde […} les ateliers Equi/Mater. « Mes chevaux m’ont sauvé la vie, c’est pourquoi je veux aider les autres à prendre contact avec eux. » Un documentaire a été réalisé par la chaîne TV5, intitulé « Des chevaux et des femmes », et Johanne Doucet fait partie des femmes présentées dont la vie a été transformée par les chevaux.
Tels les chevaux qu’elle aime libres, Johanne Doucet privilégie une vie de liberté, sans situation fixe. « C’est une façon de vivre ; il faut se libérer du regard des autres. Il n’y a rien de facile ! » Dans ses toiles éthérées, la gestuelle prime. Le moment le plus précieux est celui où la magie opère et l’image se révèle.
Le futur sera certainement occupé pour cette femme passionnée d’abord par son art, ses ateliers de cours et les ateliers équestres de développement personnel. Elle a récemment produit une série de cours de dessin sur support DVD, pour ceux qui ne pourraient se rendre à Beloeil en atelier.
Isabelle Gauthier, Magazin’Art